La Fédération des sciences humaines encourage ses associations membres, institutions membres et sociétés affiliées à lire, discuter, soutenir et promouvoir la Charte.

Remerciements

L’élaboration de cette Charte sur l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation dans les sciences humaines a été dirigée par Malinda S. Smith, Ph. D. et Noreen Golfman, Ph. D. (Memorial University) au nom du Comité consultatif du Congrès sur l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation : Marie Battiste, Ph. D. Ordre du Canada (University of Saskatchewan), Wesley Crichlow, Ph. D. (Institut universitaire de technologie de l’Ontario), Jay Dolmage, Ph. D. (University of Waterloo), Florence Glanfield, Ph. D. (University of Alberta), Claudia Malacrida, Ph. D. (University of Lethbridge), Anne-José Villeneuve, Ph. D. (University of Alberta). Le Comité a été appuyé dans ses travaux par Gina Hill Birriel, Ph. D., gestionnaire, Programmes et politiques à la Fédération.

Charte sur l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation dans les sciences humaines

Section 1 | Préambule

Nous, la Fédération des sciences humaines, nos membres de sociétés savantes, d’universités, de collèges et de sociétés affiliées :

  • Reconnaissant la nécessité d’un effort plus résolu pour atteindre l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation dans nos disciplines, nos champs d’études et nos expressions artistiques et culturelles;
     
  • Reconnaissant que l’engagement exprimé en faveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion tenu depuis la fondation de la Fédération en 1995 n’englobait pas la décolonisation, et reconnaissant l’urgence d’un changement et la nécessité de renouveler et d’approfondir notre engagement individuel et institutionnel au moyen d’un programme d’actions et d’une responsabilisation favorisant le changement;
     
  • Reconnaissant que chacun d’entre nous en tant qu’individu, et en tant que collectif par l’entremise des membres de sociétés, d’associations et d’institutions, a la responsabilité d’éduquer de façon constructive quant aux obstacles systémiques historiques et contemporains pour chaque groupe en quête d’équité par droits, afin d’élaborer des mesures concrètes en vue de faire progresser un système d’enseignement supérieur équitable, diversifié, inclusif et décolonisé, au sein duquel tous les membres peuvent atteindre leur plein potentiel, et dans ce but, nous avons besoin de courage, de responsabilisation et d’un appel à l’action pour tous les membres de nos communautés de pratique, sociétés, associations et institutions universitaires;
     
  • Reconnaissant que les sociétés savantes, les universités, les collèges et tous les établissements d’enseignement supérieur sont situés sur des territoires autochtones et reconnaissant la responsabilité individuelle et institutionnelle en matière de droits et d’obligations prévus dans les traités et les pactes conclus avec les peuples autochtones sur ces territoires;
     
  • Reconnaissant les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en 2015 et reconnaissant que l’engagement à l’égard de la réconciliation avec les peuples et les communautés autochtones doit être intégré à toutes les activités visant à faire progresser les sciences humaines au Canada;
     
  • Reconnaissant le 50e anniversaire de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme, le 36e anniversaire de la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi, le 25e anniversaire de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, le lancement de Dimensions : Équité, diversité et inclusion au Canada et la nécessité de redoubler d’efforts et de multiplier les mécanismes de responsabilisation afin de faire progresser l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation au sein de la Fédération, des sociétés savantes, des universités et des collèges;
     
  • Reconnaissant les valeurs énoncées dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la quatrième Décennie des Nations Unies pour l’élimination du colonialisme, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Décennie des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine, et reconnaissant que l’antiracisme et la décolonisation nécessitent des mesures concrètes afin d’opérer un changement systémique;
     
  • Reconnaissant que les vagues de colonialisme ont entraîné l’assujettissement de peuples, de cultures, de langues, de savoirs, de modes de savoir, et reconnaissant que l’anticolonialisme et la décolonisation se poursuivent et exigent un engagement personnel, associatif et institutionnel, afin de cerner et de transformer l’héritage colonial qui continue de façonner l’enseignement supérieur et tous les aspects des sciences humaines au Canada;
     
  • Reconnaissant le rôle que la communauté des sciences humaines doit jouer pour cerner, combattre et transformer les inégalités systémiques et toutes les formes d’oppression, ainsi que les structures et systèmes de pouvoir et de privilège qui maintiennent et reproduisent ces injustices systémiques;
     
  • Comprenant que la Fédération et toutes les disciplines des sciences humaines, les sociétés savantes, les collèges et les universités doivent redoubler d’efforts pour concevoir, construire et organiser des disciplines, des institutions et des sociétés plus équitables, diversifiées, inclusives et décolonisées;
     
  • Par conséquent, pour atteindre ces objectifs, nous, soussignés, nous unissons par la présente dans notre engagement à lutter vigoureusement contre la discrimination et les inégalités, afin d’atteindre l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation dans nos travaux universitaires, nos sociétés et nos associations, nos universités et nos collèges, dans nos pratiques disciplinaires et dans les collaborations au Congrès et à d’autres événements de la Fédération, pour l’amélioration de la communauté des sciences humaines au Canada.

 

Section 2 | Objet

La présente Charte a pour objet de réaliser l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation en sciences humaines au Canada. Les inégalités systémiques au sein de nos disciplines, de nos sociétés savantes et de nos établissements d’enseignement supérieur ont un effet négatif sur l’éducation et le cheminement de carrière des personnes issues de communautés sous-représentées et marginalisées. Cet engagement est une reconnaissance de la nécessité de plans d’action s’attaquant à toutes les formes de discrimination, de sectarisme, de préjugés et d’injustice, y compris, mais sans s’y limiter, celles qui sont ancrées dans le racisme, la discrimination fondée sur la capacité physique, le sexisme, l’hétérosexisme et la discrimination sociale. Cette Charte appelle à une action urgente de la part des étudiants universitaires et collégiaux, du corps professoral, du personnel et des anciens étudiants, des sociétés savantes, des associations de la société civile et des organismes de financement de la recherche dans l’ensemble du Canada, afin de cerner et d’éliminer les obstacles particuliers ayant des répercussions négatives sur le cheminement de carrière et les expériences vécues de personnes de diverses communautés, y compris, sans s’y limiter, les femmes, les peuples autochtones, les personnes appartenant à des minorités visibles et racisées, les personnes handicapées, les membres de communautés LGBTQ2S+, ainsi que les communautés linguistiques, religieuses et culturelles.

 

Section 3 | Principes

La Fédération et ses sociétés savantes, universités, collèges et sociétés affiliées membres, dans la quête d’une communauté des sciences humaines équitable, diversifiée, inclusive et décolonisée, s’engagent à respecter les principes suivants :

 

3.1. Accessibilité

L’accessibilité est un principe fondamental pour la suppression des obstacles qui limitent l’accès équitable à la participation et aux expériences nécessaires à la carrière des personnes ayant des déficiences visuelles, motrices, auditives, d’apprentissage et cognitives. L’accès est rendu possible en fournissant les ressources et les outils nécessaires à l’élimination des obstacles, des préjugés et des stéréotypes qui empêchent les personnes handicapées et sourdes, comme tous les groupes historiquement sous-représentés, d’avoir des chances d’accéder, d’être admises et de réussir au niveau postsecondaire. L’accessibilité reconnaît également que le faible revenu socioéconomique peut être un obstacle à la fréquentation des universités et des collèges.

 

3.2. Diversité

La diversité est une caractéristique des sociétés humaines qui a été utilisée de multiples façons dans le secteur de l’enseignement postsecondaire. Elle comprend toute la gamme des différences humaines, culturelles et sociétales entre les populations du Canada. La diversité englobe la différence d’identité et la représentation de la population étudiante, du personnel, du corps professoral, des gens de l’administration et de la haute direction dans le milieu académique. La diversité sociale comprend également les motifs de protection en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, les droits autochtones issus de traités et les lois sur les droits de la personne, comme la race et l’origine ethnique, l’identité et l’expression de genre, l’orientation sexuelle et le handicap. La diversité est également utilisée pour différencier les types de production du savoir, les établissements d’enseignement et les unités au sein des établissements, comme les facultés, les écoles, les départements, les programmes et les instituts. La diversité englobe également la nature et le contenu des programmes d’études, la recherche, l’enseignement, les services et l’engagement.

 

3.3. Décolonisation

Les principes, les processus et les pratiques de décolonisation sont essentiels à une communauté des sciences humaines plus équitable, plus diversifiée, plus éclairée et plus inclusive au Canada. Nous croyons que l’avenir durable de l’enseignement supérieur exige de confronter et déstabiliser l’impact qu’ont eu l’histoire coloniale, les idéologies, les expériences et les legs sur les disciplines, les archives, les canons, les programmes d’études, les méthodologies et les pédagogies, ainsi que sur les structures de gouvernance, la conception institutionnelle, les cultures, les symboles et les cérémonies. La décolonisation est un processus nécessaire et continu de désapprentissage, d’excavation et de transformation des séquelles du colonialisme, ainsi que d’utilisation des systèmes d’éducation et de connaissances disponibles pour réapprendre et reconstruire les fondements sociaux, culturels et linguistiques qui ont été perdus ou érodés par le colonialisme. La décolonisation exige aussi de faire de la place, d’équilibrer, de générer et de permettre divers systèmes de connaissances pour s’épanouir dans le milieu académique, ainsi que dans les établissements d’éducation et de transmission du savoir, qui pourront bénéficier aux Autochtones et à d’autres nations et peuples colonisés ou anciennement colonisés.

 

3.4. Équité

L’équité porte sur la justice (à la fois les notions de ‘justice’ et de ‘fairness’ en anglais). C’est un état d’être, un processus et une condition ancrée dans les droits fondamentaux de la personne et, par conséquent, ne dépend pas d’un choix individuel ou du volontarisme. Alors que l’égalité peut conduire à présumer que les règles du jeu sont équitables et peut façonner les efforts individuels et institutionnels pour traiter les gens de la même façon, l’équité, en revanche, exige davantage. Il s’agit de comprendre et d’accommoder la différence, et de fournir aux personnes ce dont ils ont besoin pour accéder au milieu académique et s’y épanouir. L’équité exige de cerner et de combattre de façon proactive les idées, les attitudes, les comportements discriminatoires, ainsi que les systèmes, les politiques, les processus et les pratiques qui mènent à des désavantages. Il s’agit d’un engagement juridique et éthique à faire ce qui est juste et nécessaire pour parvenir à un tel état grâce à des mesures proactives pour cerner les causes profondes et concevoir des interventions afin d’éliminer les obstacles aux occasions et aux expériences équitables dans toutes les sphères de la vie académique.

 

3.5. Dignité humaine inhérente

La dignité humaine inhérente est le concept fondamental de tous les droits de la personne. Il est indispensable que tous les principes, engagements et actions visant à résoudre les inégalités dans les structures, les processus, les politiques et les résultats soient fondées sur la reconnaissance et l’affirmation de la dignité humaine inhérente de tous les peuples. Sans la reconnaissance de la dignité humaine inhérente de tous les peuples, l’action en faveur du changement  est vouée à l’échec.

 

3.6. Inclusion

L’inclusion est un ensemble de compétences et de conditions qu’il faut entretenir et
qui nécessite des ressources pour faire progresser un milieu académique équitable et plus juste. L’inclusion suppose des mesures interreliées pour éliminer les obstacles qui entravent la participation, l’engagement, la représentation et l’autonomisation (‘empowerment’) des membres de diverses identités et origines dans la vie du milieu académique. L’inclusion signifie que, dès le départ, nous concevons nos espaces éducatifs et culturels pour qu’ils puissent être pleinement utilisés par tous les peuples et toutes les collectivités. L’inclusion met en avant les relations sociales et institutionnelles du pouvoir et des privilèges, en attirant l’attention nécessaire sur qui obtient un siège et une voix aux tables de décision, et qui est habilité par les processus, politiques, systèmes et structures institutionnels.

 

3.7. Excellence inclusive

Les conditions équitables, diversifiées, inclusives et décolonisées où chaque personne peut s’épanouir sont le terreau idéal pour la poursuite individuelle et institutionnelle de l’excellence, de la qualité ou du mérite. Bien que la quête humaine de l’excellence soit inclusive, la façon dont elle a été définie, objectivée et reconnue sur le plan social et institutionnel par le passé a souvent été à l’exclusion, entre autres, de diverses connaissances, méthodologies, perspectives et façons de savoir. Il est nécessaire de reconnaître la relation intégrale entre l’équité en tant que justice et l’excellence inclusive pour atténuer la façon dont un passé d’idées, d’attitudes, de processus et de pratiques discriminatoires a façonné l’accès aux associations savantes, aux universités et aux collèges et leur succès. L’excellence inclusive affirme comment la diversité peut approfondir l’apprentissage, améliorer la pensée critique et la résolution de problèmes, et stimuler la créativité et l’innovation dans l’enseignement et l’apprentissage, la recherche et la quête artistique, le service professionnel et l’engagement communautaire en sciences humaines.

 

Section 4 | Engagement à prendre des mesures urgentes

  • Article 1 : Nous nous engageons dans la quête proactive de la décolonisation et reconnaissons que le colonialisme est une structure qui continue de façonner les attitudes, les valeurs, les idéologies et les priorités sur lesquelles reposent la gouvernance, l’architecture, les symboles et les cérémonies, ainsi que la production de connaissances, les programmes d’études, les modes de savoir et d’être dans le milieu académique.
     
  • Articles 2 : Nous nous engageons à prendre des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination et pour transformer les inégalités structurelles, systémiques et institutionnelles façonnées par les histoires du colonialisme, de l’esclavage et de la discrimination qui continuent de désavantager des personnes parce qu’elles sont, sans s’y limiter, des femmes, des membres de Premières Nations, des Métis et des Inuits, des personnes appartenant à des minorités visibles ou racisées, des personnes handicapées et des membres de groupes LGBTQ2S+.
     
  • Article 3 : Nous nous engageons à prendre des mesures pour cerner et atténuer les inégalités systémiques qui entravent l’accès au milieu académique de divers membres de nos sociétés savantes et de nos universités, y compris, sans toutefois s’y limiter, les femmes, les Premières Nations, les Métis et les Inuits, les personnes appartenant à des minorités visibles ou racisées, les personnes handicapées et les membres des groupes LGBTQ2S+.
     
  • Article 4 : Nous nous engageons à approfondir nos connaissances sur l’équité et la décolonisation pour l’enseignement, l’apprentissage, la recherche, la recherche artistique et l’engagement communautaire ayant lieu dans des établissements d’enseignement supérieur situés sur des territoires autochtones, et reconnaissons que l’esprit de réconciliation exige que les individus et nos universités investissent dans l’autochtonisation du milieu académique.
     
  • Article 5 : Nous nous engageons à examiner et à transformer les règles et les programmes d’études universitaires dans le but de créer une production de connaissances plus inclusive, autochtone et décolonisée dans les sciences humaines.
     
  • Article 6 : Nous nous engageons envers le bilinguisme officiel, le soutien des langues autochtones et le multilinguisme et reconnaissons l’importance de notre héritage linguistique diversifié pour la culture, la communauté et l’appartenance au milieu académique et au-delà.
     
  • Article 7 : Nous reconnaissons que l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation sont essentielles à l’excellence inclusive et cette reconnaissance exige un engagement à redéfinir notre définition et notre évaluation de l’excellence. Les groupes sociaux hétérogènes, comprenant une diversité de perspectives, de contextes et d’expériences, permettent une conception plus profonde et plus inclusive de l’excellence.
     
  • Article 8 : Nous nous engageons à concevoir les structures et les politiques nécessaires pour recueillir systématiquement des données démographiques désagrégées sur le corps professoral, le personnel, la population étudiante et les administrateurs, afin de cerner les obstacles et de combler les lacunes en matière d’accès des personnes étudiantes aux sociétés savantes et au milieu académique et en matière d’emploi du corps professoral et du personnel au sein des sociétés savantes et du milieu académique.
     
  • Article 9 : Nous nous engageons à cerner et à éliminer les obstacles particuliers et croisés qui entravent la représentation équitable des femmes, des peuples autochtones, des minorités visibles et racisées, des personnes handicapées et des personnes LGBTQ2S+ au sein de nos sociétés savantes, nos universités et nos collèges.
     
  • Article 10 : Nous nous engageons à déterminer des actions et des engagements concrets de façon spécifique, mesurable, acceptable, réaliste et temporelle (SMART), afin de relever et de transformer les obstacles, les barrières et les préjugés qui nuisent à l’accès et à la réussite au sein des sociétés savantes et du milieu académique.
     
  • Article 11 : Nous nous engageons à analyser et à combler les écarts salariaux inéquitables qui peuvent exister pour les femmes, les Premières Nations, les Métis et les Inuits, les minorités visibles et racisées, les personnes handicapées et les membres des groupes LGBTQ2S+.
     
  • Article 12 : Nous nous engageons à créer un milieu académique exempt de discrimination, de harcèlement et d’intimidation, et à développer une culture institutionnelle équitable, diversifiée, inclusive et décolonisée dans nos sociétés savantes, nos universités et nos collèges.
     
  • Article 13 : Nous nous engageons à adopter des pratiques équitables ainsi qu’une prise de décisions, une gouvernance et un leadership diversifiés et inclusifs, nécessaires à la réalisation du changement structurel et systémique.